Novembre 2004 en Côte d’Ivoire : Thomas Hofnung ment et invente des scènes qui n’ont jamais existé
À partager massivement (épisode 3 d'une réfutation)
Comment expliquer rationnellement qu’un président africain, que le président d’un pays aux faibles capacités de défense dans lequel l’armée française a positionné 10 000 hommes dotés d’armement lourd, fasse le choix délibéré de bombarder une base-vie de cette armée là, et d’entraîner la mort de plusieurs de ses soldats ? Comment expliquer que Laurent Gbagbo ou un des membres de son entourage politique ou militaire ait pu donner un ordre aussi insensé, et ait pu donner littéralement le bâton pour se faire battre à une ex-puissance coloniale se retrouvant de facto en situation de légitime défense ? Comment envisager qu’ils aient pu décider d’attaquer frontalement un membre permanent du Conseil de sécurité ayant le monopole de la rédaction des résolutions onusiennes sur le dossier ivoirien ? C’est la question de bon sens que de nombreux observateurs se sont posé après l’annonce du fameux bombardement de Bouaké, le 6 novembre 2004…
Un grand nombre de militaires français, informés de ce qui s’était passé, ont imaginé qu’il ne pouvait s’agir que d’une erreur de tir. Et ils l’ont dit, avant d’être recadrés par leur hiérarchie. Car le général Henri Poncet, leur grand patron , avait sa théorie. Il pointait du doigt un “clan de radicaux” autour de Simone Gbagbo, l’épouse du président ivoirien. Des radicaux qui auraient voulu frapper les Français parce que l’offensive gouvernementale en zone rebelle “s’enlisait”, était en train d’échouer donc. Et qu’il fallait trouver un “bouc émissaire” et obliger l’armée française à plier bagages comme les Américains étaient partis de Somalie en 1993, après la mort de 19 de leurs soldats. À l’époque, les journalistes de terrain - notamment ceux du Courrier d’Abidjan, dont j’étais le rédacteur en chef - avaient beau s’égosiller à dire qu’il n’y avait en réalité pas d’enlisement, que les troupes ivoiriennes progressaient sans véritable adversité, pas grand monde à l’international ne leur prêtait attention.
Dans son livre, Thomas Hofnung reconnaît que nous avions raison, contre les racontars du général Poncet. Il écrit, en parlant du 6 novembre 2004, juste avant le bombardement : “Dans son QG de Bouaké, le chef du détachement de Licorne dans le secteur, le colonel Destremau, retient son souffle : les renseignements dont il dispose indiquent qu’une colonne de soldats ivoiriens approche à grands pas de la ville, elle va même passer sous peu devant sa caserne. L’armée française peut-elle fermer les yeux et faire comme si de rien n’était, alors qu’elle était censée veiller au respect d’un cessez-le-feu ? Dans Bouaké, des rebelles se cachent, d’autres ont déjà pris la tangente. Il n’y a plus guère que le chef de guerre Chérif Ousmane pour opposer une faible résistance”. Il n’y a donc aucun enlisement. Les jeux sont faits. Mais le bombardement de la base-vie française arrive. Comme le “miracle” d’un dieu qui aurait entendu les prières des rebelles.
Tout en détruisant la thèse de l’échec de l’opération César dite Dignité, Thomas Hofnung crée de la confusion et relance la machine à insinuations. Pour se faire, il “raconte” une “scène”. Une “scène” qui aurait eu lieu dans la nuit du 5 au 6 novembre 2004 à la résidence présidentielle d’Abidjan.
“Ce soir-là, autour du président, les discussions vont bon train, certains de ses proches sont galvanisés par la victoire qui s’annonce. Il y a là quelques hauts gradés ivoiriens, mais aussi les «durs» du régime : l’épouse du président, Simone Gbagbo, son conseiller pour les affaires de Défense Kadet Bertin, mais aussi le pasteur et conseiller spirituel des époux Gbagbo, Moïse Koré.
« Il faut frapper les Français à Bouaké, martèle l’un. Ils n'oseraient pas bouger avec tous leurs ressortissants à Abidjan. Comme après l’attentat de Beyrouth, ils vont quitter le pays. On sera enfin débarrassés d’eux ! » « C’est très risqué, rétorque un autre. On ne sait pas comment ils peuvent réagir. Surtout avec Chirac à l’Élysée… »
Comme souvent, Laurent Gbagbo ne dit mot, il écoute les uns et les autres, songeur. Puis, soudain, il se lève et met un terme à ces palabres. Il est tard, la rédaction de son discours l’attend.”
Cette “scène” apporte du crédit à la thèse du général Poncet, pourtant factuellement remise en cause dans le même livre par le même auteur. Elle admet comme crédible la piste des “ultras” ayant voulu en finir avec les Français en les attaquant militairement. Mais dans quel but, vu que jusque-là ces derniers ne se sont pas opposés à la victoire qui se profile ? Mystère.
Sauf que voilà, j’ai contacté un des “proches” qui auraient participé à la discussion nocturne autour de Gbagbo. Il s’agit de Kadet Bertin, le fameux conseiller pour les affaires de Défense. Et il n’était tout simplement pas en Côte d’Ivoire ce jour-là. Il n’a pas pu participer à cette réunion durant laquelle l’idée d’attaquer les Français aurait été émise. Voici ce qu’il m’a affirmé. “Cet auteur est un affabulateur. Je n'étais pas en Côte d'Ivoire du 3 au 8 novembre 2004. Je me trouvais à Dubaï. Je suis parti d'Abidjan le 3 novembre et je suis rentré à Abidjan le 8 novembre au matin, en passant par Accra puis par la route. Mon chauffeur est venu me chercher à la frontière ghanéenne (...). Le 8 au matin je suis allé chez le président Gbagbo.”
Et à l’appui de ses propos, il m’a partagé des vidéos très explicites des pages de son passeport qui appuient ses affirmations.
Et Thomas Hofnung, quelles preuves a-t-il ? Une note de bas de page : “Propos rapportés à l’auteur par une source très proche du dossier, qui a requis l’anonymat”.
L’anonymat, ça passe encore, la protection des sources étant une des règles de notre métier. Mais Thomas Hofnung ne parle même pas d’un témoin de cette scène. Il parle d’une “source très proche du dossier”. Eh bien, mon cher Thomas, ta source t’a menti. Au moins un des acteurs de la scène n’était pas sur place. Ne pouvait pas être sur place. As-tu essayé de le contacter pour recouper ton information ?
Il y a quelques semaines, j’ai reçu un courriel de la part du directeur de la communication de Fayard, la puissante maison d’édition qui a accompagné Thomas Hofnung pour la publication de ce livre. Un courriel demandant un droit de réponse. Voici un très large extrait de ce courriel : “Je vous écris suite à la publication de votre vidéo dans lequel vous mentionnez que Thomas Hofnung serait à la solde du gouvernement français. Ces propos nous ont interpellés, car ils ne reflètent pas la réalité de l'indépendance journalistique de M. Hofnung, qui a toujours mené ses enquêtes de manière rigoureuse et impartiale, y compris sur des sujets sensibles. Nous souhaiterions savoir s'il serait possible de bénéficier d'un droit de réponse afin d'apporter des éclaircissements sur ces points et de rétablir la réalité de son travail. Pouvez-vous également nous indiquer sous quelle forme ce droit de réponse pourrait être envisagé et dans quels délais ?”
Je n’y ai pas répondu car j’y vois une forme d’intimidation. En effet, rien ne va dans la démarche qui contrevient totalement aux règles en la matière. Et Fayard ne peut l’ignorer. En effet, selon le droit français :
la demande de droit de réponse doit être adressée par “lettre recommandée avec accusé de réception au directeur de publication de la chaine” via laquelle le propos visé a été émis… alors que là, il n’y a qu’un courriel au présentateur d’une émission ;
la demande de droit de réponse doit citer explicitement les passages contestés, alors qu’il n’y a ici qu’une formulation extrêmement vague ;
la demande de droit de réponse doit être rédigée par la personne mise en cause ou par son avocat et en aucun cas par un salarié de la maison d’édition qui ne réclame de toute façon rien pour elle-même.
Je m’arrête là mais je peux continuer à citer tout ce qui ne va pas dans ce drôle de courriel coup de pression.
Je suis disponible pour tout débat avec Thomas Hofnung.
Je suis dégoutée d apprendre que TH s'est emparé de la direction de la rédaction internationale de La Croix . C'était un des rares journaux qui avait encore une rédaction avec beaucoup d honnêteté sur l international. TH va enterrer, Insinuer, détourner comme il sait faire. Lamentable.
Que de vérités à partager. C'est une triste période que j'ai hélas vécu de très près auprès du Président Gbagbo et de Simone Gbagbo. J'avais honte de voir , d'entendre ou de lire les
mensonges des militaires Français. J'ai bien essayé, à mes dépens, de m'exprimer sur les antennes françaises mais j'étais une petite goutte dans un océan de dissimulation, de fausseté! Chirac, comme Ponce Pilate, s'en lavait les mains et laisser faire son armée. Les journaliste Français n'avaient pas le droit de venir en Côte d'Ivoire. Ce qui fait que le peuple français ignorait tout de la vraie situation de guerre en Côte d'Ivoire... co-gérée par l'armée française!